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lundi 25 janvier 2010

Nomades en puissance

Ça fait plus de trois mois que nous vivons sur la route. Que nous portons notre maison sur notre dos, que nous nous faisons un petit nid temporaire à chaque endroit où nous posons nos sacs pour quelques jours, que nous voyons du pays en avion, en autobus, en train, en rickshaw, en tuk-tuk, en camionnette, en vélo, en bateau.
Nous ne sommes définitivement plus des «touristes». Cela dit sans connotation péjorative à l'endroit des touristes en vacances en Asie pour quelques semaines. Mais nous ne sommes vraiment pas dans le même état d'esprit. Quand nous sommes débarqués à Bangkok pour la quatrième fois, en décembre, nous avions nos petites habitudes dans le quartier que nous connaissons bien. Nous y avons même des amis. Nous connaissons les meilleurs endroits où manger, nous savons comment nous déplacer dans la ville, nous connaissons les prix. Quand nous voyons un chauffeur de tuk-tuk offrir un tour de ville pour 10 bhats (30 cents) à un touriste fraîchement débarqué, nous avons le goût de lui crier: « N'y va pas! C'est une arnaque! Il te fera faire le tour des magasins de souvenirs et des tailleurs pour obtenir une commission sur tes achats. » Même les filles savent quoi répondre aux vendeurs de tout acabit qui nous offrent leur camelote dans la rue: « No thank you very much! ». En entendant le coassement des petites grenouilles de bois, vendues par des femmes en habit traditionnel dans les restos, elles ne se retournent même plus, alors qu'elles nous suppliaient de leur en acheter au début du voyage.
Ma belle-soeur Chantal, mon beau-frère Éric et leur fille Éloïse sont venus passer quatre semaines avec nous, pour Noël. Nous avons adoré passer du temps avec eux. Les filles étaient super contentes de s'amuser avec leur cousine. Mais j'ai senti qu'ils nous trouvaient un peu étranges. On négocie souvent pendant de longues minutes pour économiser 1 ou 2$, puisque nos ressources financières doivent durer encore cinq mois. On est toujours habillés de la même façon, puisque les bagages sont réduits au minimum. On passe des jours à ne rien visiter, parce qu'on est occupés à travailler, à organiser la suite du voyage ( achats de billets d'avion, réservations d'hôtel, demande de visas à l'ambassade, recherche d'infos ) et à régler plein d'autres détails ( visite à la pharmacie, au coiffeur, ménage des bagages, envoi de nouvelles à nos familles et amis, classement des photos dans l'ordi, etc. ). D'ailleurs, ils nous ont beaucoup aidé en s'occupant des filles pendant que l'on réglait plein de questions d'intendane.
C'est là qu'on se rend compte que, lorsqu'on fait un long voyage, on n'est pas toujours en «vacances». Ça demande du travail. En plus, avec Marianne qui a des travaux scolaires à faire, ça ajoute une contrainte supplémentaire à l'horaire. On se rend compte aussi que les filles ont souvent besoin de passer des journées à ne rien faire: regarder les bonhommes à la télé le matin, aller à la piscine, dessiner ou jouer dans la chambre, écouter un film sur l'ordinateur, etc... Dès qu'on sort à l'extérieur, tous nos sens sont sollicités: on sent de nouvelles odeurs – parfois agréables, parfois moins...-, la nourriture est différente, les gens parlent une langue qu'on ne comprend pas, les panneaux indicateurs sont incompréhensibles, la circulation est souvent très dense, il y a du bruit, de la pollution... C'est très fatiguant. Et pour les filles, encore plus: les gens veulent les toucher, leur parler, les prendre en photo. Tout les regards sont fixés sur elles. Parfois, elles ont seulement envie que l'on reste entre nous sans rien découvrir de nouveau. Et ça fait du bien à tout le monde.
Mais somme toute, le voyage se déroule admirablement bien. Personne n'a été sérieusement malade, notre budget est respecté, les filles s'amusent bien et apprécient les visites. Elles ont une résistance étonnante lors des longs trajets – on leur a imposé 17 heures de train et, à destination, elles étaient en meilleur état que nous... Vraiment, elles nous épatent.
Je dirais que le plus difficile, c'est d'être toujours ensemble, tous les quatre, 24 heures par jour, sept jours par semaine, dans des chambres exigües, sans beaucoup d'intimité. On s'efforce de temps en temps de s'accorder des moments de solitude, Marco et moi. Parfois, on sépare les filles; elles sont les meilleures amies du monde, mais ça leur fait du bien de ne pas se voir pour quelques heures. Pour des sorties en couple, toutefois, ce n'est pas évident de trouver une babysitter qui parle français. Lors de la visite de ma belle-soeur, on a heureusement eu droit à quelques moments sans les enfants. Et demain, les filles se font garder par une jeune avocate montréalaise, rencontrée dans un autobus, qui a généreusement offert de son temps pour nous donner un peu de liberté. Nous avons accepté avec joie!

***

Désolée pour le silence des dernières semaines. Certains s'inquiétaient pour nous. Ne vous en faites pas, tout va pour le mieux. Simplement, comme nous avons passé le temps des Fêtes avec la famille de ma belle-soeur dans les îles du sud de la Thaïlande, nous avons délaissé un peu nos blogues pour nous mettre en mode « vacances » et profiter de la mer. Puis, nous avions des reportages à terminer, histoire de faire entrer un peu d'argent dans notre compte en banque de plus en plus dégarni... D'ailleurs, vous pouvez lire d'autres textes sur notre voyage depuis le 14 janvier sur le site du magazine Protégez-vous (www.protegez-vous.ca). Nous y traitons de sujets de consommation.
Nous sommes actuellement dans un pays voisin de la Thaïlande, où les journalistes ne sont pas les bienvenus. C'est pourquoi nous nous tenons tranquilles ces temps-ci. Les textes de ces prochaines semaines ne signaleront pas notre position. Mais dès que nous serons sortis d'ici, nous vous relaterons notre expérience dans ce pays étonnant, où les gens sont d'une extrême gentillesse malgré des conditions de vie difficiles.