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dimanche 12 septembre 2010

La fillette au serpent




C’est l’un des souvenirs les plus marquants de notre séjour au Cambodge : cette petite fille d’environ 5 ans (l’âge d’Émilie), vêtue de haillons, flottant dans une bassine à la surface d’un lac aux eaux troubles, avec un serpent autour du cou. Dans une barque un peu plus loin, sa mère, avec deux enfants plus jeunes, s’assure que la fillette fait son show pour les touristes et demande de l’argent pour se faire prendre en photo… Triste…

Mes filles en ont vu des enfants pauvres qui quêtaient au cours de ce voyage. On en a parlé souvent. Mais elles ne comprenaient pas ce que cette petite fille faisait là. « Pourquoi elle a un serpent?» «C’est pour jouer qu’elle flotte là-dedans?», m’ont-elles demandé. Pas le choix de leur expliquer la triste réalité.

Nous étions en visite dans un village flottant sur le Tonle Sap, le grand lac au centre du Cambodge. Comme nous sommes restés relativement peu longtemps dans ce pays, nous ne sommes pas tellement sortis des sentiers battus. Nous sommes allés à Phnom Penh, la capitale, puis à Siem Reap, près des temples d’Angkor, l’un des endroits les plus visités en Asie. Ce sont les villes les plus riches du Cambodge, et nous y avons vu plus de voitures de luxe que n’importe où ailleurs en Asie. Mais nous savions qu’en dehors de ces endroits, la majorité de la population du pays vit dans une extrême pauvreté. Je ne voulais pas quitter le pays sans avoir vu un peu de cette «vraie vie», même si je ne pouvais y jeter qu’un coup d’œil rapide, pour tenter de mieux comprendre le Cambodge.

Avec Émilie et Marianne, j’ai pris un guide à Siem Reap pour aller visiter un village flottant. Aussitôt qu’on sort des limites de la ville, on entre dans un autre monde. Les bâtiments de béton font place à des maisons brinquebalantes de planches ou de bambou tressé. Sur pilotis, puisqu’en saison des pluies, toute la plaine est recouverte d’eau et les habitants doivent se déplacer en bateau.

Avant d’aller plus loin, je dois vous expliquer un phénomène unique qui se produit sur le Tonle Sap : ce nom désigne à la fois une rivière et un lac, le plus grand lac d’eau douce en Asie du Sud-Est. La rivière relie le lac au Mékong, le grand fleuve qui traverse le pays du nord au sud. En saison sèche, la rivière Tonle Sap se jette dans le Mékong. Mais en période de mousson, lorsque le Mékong est en crue, la rivière inverse son cours et remplit le lac. La superficie du lac, qui est d’environ 2700 km carrés en saison sèche (près de trois fois le lac Saint-Jean !), peut alors atteindre 16 000 km carrés, pour une profondeur d’environ neuf mètres. Dans les villages de la région, les maisons trônent sur des pilotis de plusieurs mètres de hauteur en saison sèche, puis se retrouvent au fil de l’eau en saison des pluies. D’autres maisons sont flottantes, et les propriétaires les déplacent selon la saison et les besoins. L'inversion du cours du Tonlé Sap agit comme une valve de sûreté qui restreint le risque d'inondation en aval. Lorsque le lac déborde dans les forêts et les champs, il se créé aussi un milieu idéal pour la reproduction des poissons, ce qui fait du Tonle Sap l’une des zones de pêche d’eau douce les plus productives du monde. En se retirant, les eaux laissent de riches dépôts nutritifs de sédiments dans la région, ce qui en fait une terre propice à l'agriculture pour le reste de l'année.
Source: http://keralaarticles.com/wp-content/uploads/2008/06/tonle-sap-lake-combodia-map.png

C’est donc sur cette étendue d’eau au comportement singulier que nous avons navigué. Pour atteindre le lac en bateau, on doit passer par un étroit chenal boueux. Nous étions à la fin de la saison sèche, la période de l’année où le niveau de l’eau est à son plus bas. Le trafic dans le chenal était perturbé par de nombreux bateaux coincés dans des hauts fonds. Nous avons croisé une excavatrice occupée à creuser le chenal, mais visiblement, elle ne suffisait pas à la tâche.

Le village flottant se trouve à environ deux kilomètres de la rive. Les maisons sont disposées de façon désordonnées, et ancrées au fond par de longues tiges de bambou. En saison sèche, les maisons sont regroupées en village parce que les résidants peuvent facilement attraper du poisson n’importe où; comme la superficie du lac est réduite, la population de poisson est plus dense et il n’y a qu’à mettre sa ligne à l’eau pour en attraper. En saison des pluies, comme les poissons ont plus d’espace pour se disperser dans le lac, les habitants déplacent leur maison dans le but de trouver le meilleur «spot» pour pêcher.

Des jardins flottants, installés sur des treillis, jouxtent certaines cabanes. Il y a une école flottante, des épiceries, des magasins. Les enfants jouent dans des barques ou sur leur balcon, mais ça ne fait pas beaucoup de place où courir (comme je l’avais déjà remarqué en visitant un village sur pilotis en Birmanie). Et puis, près d’un élevage de crocodiles visité par les touristes, cette petite fille avec son serpent, dont le regard triste nous poursuivra longtemps…


Dans le chenal permettant d'accéder au Tonle Sap. En saison des pluies, l'eau monte jusqu'à la route.


Avec sa perche, le jeune garçon doit pousser le bateau quand il est coincé dans le fond boueux.
La pelle mécanique ne fournit pas...
Le village flottant a même son église...
Vendeuse itinérante
On n'arrête pas le progrès: cette maison a une antenne parabolique, mais pas l'électricité.
Les télés fonctionnent grâce à des batteries.


Au retour, embouteillage dans le chenal
Sécurité aquatique
Notre meilleur ami des grandes chaleurs: l'éventail!